Bactéries et longévité : l’improbable combinaison

On dit de l’intestin qu’il est le deuxième cerveau de l’Homme. En effet, les quelques 200 millions de neurones qui l’innervent ainsi que le microbiote (l’écosystème de bactéries, champignons et micro-organismes présents dans le tractus gastrointestinal [1]) forment une entité qui influence nos humeurs et nos émotions, et interviennent dans le développement de maladies neurologiques telles que l’autisme et la dépression [2]. Le cerveau, le système nerveux de l’intestin et le microbiote intestinal communiquent entre eux de façon bidirectionnelle par ce qu’on appelle l’axe intestin-cerveau. Cet axe de communication transmet différents types d’informations : métaboliques, immunologiques, endocrines et neuronales, dérivées des cellules bactériennes et de leurs métabolites [1].

Les bactéries du microbiote intestinal influencent le vieillissement et la longévité

Récemment, des études se sont intéressées à l’influence du microbiote intestinal sur le vieillissement et la longévité. La composition du microbiote varie avec l’âge et ces altérations ont été associées au développement de maladies et au vieillissement. Ceci est attribuable à la capacité du microbiote de moduler simultanément plusieurs processus liés à l’âge comme l’inflammation, le stress oxydatif, la régulation des métabolites et l’homéostasie énergétique [1] par le biais de l’axe intestin-cerveau. Par conséquent, le microbiote de l’intestin a été identifié comme une cible thérapeutique contre les maladies liées à l’âge [1].

Dans une nouvelle étude [1], des chercheurs ont analysé l’impact d’un mélange de trois probiotiques (bactéries ou levures vivantes qui apportent des bienfaits sanitaires à l’hôte) et d’un nouveau prébiotique (substance alimentaire composée de sucres qui permet la croissance de microorganismes probiotiques) sur la durée de vie de drosophiles mâles. Il a été montré que le microbiote intestinal de la drosophile variait avec l’âge et que ces changements étaient comparables à ceux observés chez l’Homme. Le mélange des probiotiques et du prébiotique utilisé dans l’étude a accru de 60 % la longévité des drosophiles mâles, et une formulation de probiotiques seuls a augmenté de 55% la longévité [1].

Modifier les bactéries intestinales pour ralentir le vieillissement

D’après les chercheurs, les résultats de leur étude rejoignent d’autres résultats d’expérimentations similaires sur le modèle murin : différentes combinaisons de probiotiques ont eu des effets bénéfiques, notamment contre la neurodégénérescence [3], la perte de mémoire [4], l’immunité ainsi que les défenses antioxydantes [5]. Par ailleurs, les probiotiques ont également réduit l’inflammation et ont favorisé la longévité chez la souris [6]. Enfin, dans d’autres études, les probiotiques ont augmenté la durée de vie de C. elegans en stimulant la réponse immunitaire innée, réduisant le stress oxydatif [7] ou par le biais de mécanismes mimant la restriction calorique [8].

La composition du tractus gastrointestinal et ses effets sur la santé sont étudiés depuis de nombreuses années, mais ce n’est que récemment que le vieillissement a été associé à des changements du microbiote intestinal. Réciproquement, des altérations du microbiote ont été associés à des phénotypes de maladies chroniques liées à l’âge. Un régime riche en probiotiques et prébiotiques peut aider à maintenir un microbiote intestinal sain dans le but de retarder l’apparition de maladies chroniques et d’allonger la durée de vie. Au cours de multiples expériences, des formulations symbiotiques (c’est-à-dire mélangeant probiotiques et prébiotiques) ont eu des effets bénéfiques contre les dérèglements biologiques liés à l’âge et pour la longévité. A l’avenir, des mélanges symbiotiques spécifiques pourraient être développés pour prévenir l’apparition de maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète, le cancer, l’obésité et les maladies neurodégénératives [1].

Références :

[1] Susan Westfall, Nikita Lomis & Satya Prakash, Longevity extension in Drosophila through gut-brain communication. Scientific Reports, (2018) 8:8362 DOI:10.1038/s41598-018-25382-z

[2] 

[3] Dinan, T. G. & Cryan, J. F. Gut instincts: microbiota as a key regulator of brain development, ageing and neurodegeneration. The Journal of Physiology 595, 489–503 (2017).

[4] Jeong, J.-J., Kim, K. A., Hwang, Y.-J., Han, M. J. & Kim, D.-H. Anti-infammaging efects of Lactobacillus brevis OW38 in aged mice. Benef Microbes 7, 707–718 (2016).

[5] Sharma, R. et al. Dietary supplementation of milk fermented with probiotic Lactobacillus fermentum enhances systemic immune response and antioxidant capacity in aging mice. Nutr Res 34, 968–981 (2014).

[6] Matsumoto, M., Kurihara, S., Kibe, R., Ashida, H. & Benno, Y. Longevity in mice is promoted by probiotic-induced suppression of colonic senescence dependent on upregulation of gut bacterial polyamine production. PLoS One 6, e23652 (2011).

[7] Grompone, G. et al. Anti-infammatory Lactobacillus rhamnosus CNCM I-3690 strain protects against oxidative stress and increases lifespan in Caenorhabditis elegans. 7, e52493 (2012).

[8] Zhao, Y. et al. Lactobacillus salivarius strain FDB89 induced longevity in Caenorhabditis elegans by dietary restriction. J Microbiol 51, 183–188 (2013).

Anne Fischer

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Anne is studying medicine science at the Institute of Pharmaceutical and Biological Science in Lyon and she has graduated with a Bachelor’s degree in molecular and cellular biology at the University of Strasbourg.

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Anne étudie les sciences du médicament à l’Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lyon. Elle est titulaire d’une licence en biologie moléculaire et cellulaire de l’Université de Strasbourg.

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