Partie 2 : Épigénétique et ARN non-codants : le rôle des MicroARN et LncARN

En plus des causes moléculaires telles que la méthylation de l’ADN, les modifications d’histones et le remodelage chromatinien, l’expression des gènes peut être régulée par l’action des ARN non-codants. Ce sont de petits ARN qui ne codent pas pour des protéines, mais qui vont interagir avec les transcrits de gènes, les ARN messagers (ARNm), ou des modulateurs transcriptionnels, pour les contrôler. La grande famille des ARN non-codants comprend des petits ARN non-codants et des longs ARN non-codants. Des dérégulations dans leur biogenèse et leurs fonctions sont impliquées dans le vieillissement et sont associées à de nombreuses maladies de l’Homme [1].

MicroARN : Des ARN non-codants pour réguler l’expression des gènes

Les petits ARN non-codants les plus importants en épigénétique sont les microARN (miARN), constitués en moyenne de dix-huit à vingt-deux nucléotides. Au cours du vieillissement, beaucoup de ces miARN sont déréglés, activant la sénescence cellulaire et à plus long terme, le développement de pathologies.

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La fonction primaire des microARN est de réguler l’expression des gènes après la transcription via leur liaison avec les ARN messagers. Cette régulation se fait par deux mécanismes qui dépendent du degré de complémentarité entre leur séquence et celle de leurs ARNm cibles. Si la complémentarité de séquence est parfaite, la liaison du microARN entraînera la dégradation de l’ARN messager. Au contraire, si la complémentarité de séquence est imparfaite, il n’y aura pas de dégradation de l’ARNm mais une inhibition de sa traduction en protéine [2]. Les microARN régulent près de la moitié des ARN messagers des cellules, et chaque microARN peut avoir jusqu’à plusieurs centaines de gènes cibles. La base de données miRBase répertorie actuellement 1982 microARN chez l’Humain et ils seraient exprimés dans tous les types de cellules [3,4].

L’autre groupe d’ARN non-codants jouant un rôle important en épigénétique est celui des ARN non-codants dit longs (lncARN pour LongNonCodingARN), car composés de plus de 200 nucléotides. Ils ont une fonction dans de nombreux processus cellulaires tels que la croissance, la différenciation et la sénescence. Tout comme les miARN, leur niveau d’expression change avec l’âge [5]. Des modifications d’activité de ces ARN entraînent un vieillissement prématuré ou influencent positivement la longévité, selon la cible et le mécanisme utilisé. Leurs mécanismes d’action diffèrent des microARN, puisqu’ils modulent l’expression de gènes en ciblant des activateurs et des répresseurs transcriptionnels, non pas la séquence d’ARNm directement [6]. Le premier lncARN découvert chez l’Homme est H19, qui joue un rôle dans la méthylation de l’ADN, et depuis ce sont plus de 120 000 ARN non-codants longs qui ont été recensés chez l’Homme [7].

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Les microARN lors du vieillissement

Au cours du vieillissement, les niveaux d’expressions de certains microARN varient : ils sont soit sur-exprimés, soit sous-exprimés. Ces modifications se répercutent sur leurs fonctions, et des changements de leur profil d’expression ont été décrits dans plusieurs pathologies, notamment les cancers. C’est le cas de miR-31, sur-exprimé dans les cellules cancéreuses du sein, et vraisemblablement à l’origine de la production d’espèces réactives endommageant l’ADN [8]. Une autre étude [9] a mis en avant 158 miARN déréglés chez l’Homme, associés aux voies métaboliques et de transduction de signaux impliqués dans la pathogenèse du diabète de type 2. Ces résultats suggèrent que ces miARN pourraient jouer un rôle dans le développement de la maladie. Par ailleurs, des anomalies d’expression de multiples microARN sont retrouvées dans les pathologies neurodégénératives. Les niveaux de nombreux miARN sont altérés dans le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer, et plus de 60 miARN le sont dans le liquide cérébrospinal. Il semble que certains de ces miARN participent à la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer en influençant la production des protéines qui s’agrègent dans les cellules, dont les protéines Aβ [10]. Des niveaux aberrants de microARN ont aussi été découvert dans le cerveau de patients atteint de la maladie de Parkinson, notamment les miR-133 et miR-34, tout comme 75 miARN dans le syndrome de Huntington [10]. Enfin, des aberrations du niveau d’expression des miARN sont retrouvés dans la plupart des pathologies cardiovasculaires, telles que les coronaropathies, l’infarctus du myocarde et l’insuffisance cardiaque [11].

Ces différences de niveaux peuvent aussi avoir des conséquences positives sur la longévité. Il a été montré que chez les souris naines à durée de vie longue, miR-27α dans le foie et miR-470, miR-669b et miR-681 dans le cerveau sont élevés [12]. Ces changements sont mesurables et leur association avec le vieillissement a permis d’introduire un nouveau concept : les microARN peuvent être utilisés comme des biomarqueurs du vieillissement. Du début des années 2000 jusqu’à aujourd’hui, les connaissances en matière d’ARN non-codants ont beaucoup évolué, et depuis une dizaine d’années, de nombreuses publications ont mis en avant l’utilisation des miARN en tant que biomarqueurs. Récemment, ces études se sont multipliées chez l’Homme, permettant d’étendre les connaissances et les applications sur les maladies humaines liées à l’âge, dont les maladies cardiovasculaires [11], les cancers [12] et les maladies neurodégénératives [13,14].

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Les microARN comme biomarqueurs de maladies liées à l’âge

Dans la maladie d’Alzheimer, l’étude de l’expression augmentée de certains miARN permet d’identifier la maladie avec justesse, sensibilité et spécificité [11]. Les microARN sont aussi observés dans la maladie de Parkinson, car ils permettent de différencier des sujets malades et non traités de sujets sains [12]. Pour d’autres pathologies humaines, des signatures d’expression de microARN, c’est-à-dire une combinaison de plusieurs miARN, sont encore à l’étude. Dans le diabète de type 2, certains miARN régulés à la baisse le sont déjà plusieurs années avant le début de la maladie et pourraient être utilisés comme potentiels biomarqueurs. Enfin, autre exemple de cas à l’étude, les personnes ayant fait un infarctus aigu du myocarde présentent une expression élevée du miR-208a qui peut rapidement être détecté dans le sang, et peut donc être utilisé comme un outil de diagnostic rapide [12].

MicroARN & vieillissement : Les ARN non-codants longs et le vieillissement

Avec l’âge, les ARN non-codants longs sont également sujets à des modifications d’expression. Ces changements sont corrélés avec des pathologies liées au vieillissement, ou au contraire, semblent améliorer la longévité. A titre d’exemple, Kcnq1ot1 est un lncARN qui modifie les histones et est associé au développement de maladies cardiovasculaires liées à l’âge [5]. Au contraire, le lncRNA TERRA va contribuer au maintien de la structure de l’hétérochromatine [5], nécessaire à l’équilibre cellulaire. On sait, de plus, que des aberrations d’expression de lncRNA sont retrouvées dans les cancers : certains sont très surexprimés dans les métastases de cancer du poumon, dans le cancer du sein ou dans le cancer de la prostate. Leur présence en grande quantité est corrélée avec un faible pronostic de survie, l’apparition de métastases, l’augmentation de la prolifération cellulaire et la formation de colonies. Ces ARN peuvent donc être utilisés comme des biomarqueurs, notamment pour le pronostic de survie [8].

En plus de leurs implications dans les processus épigénétiques, ces ARN affectent d’autres causes du vieillissement. Les ARN TERC et TERRA sont respectivement impliqués dans le maintien de la longueur des télomères et la répression de l’élongation télomérique. D’autres lncRNA sont impliqués dans la protéostasie car ils modulent l’autophagie, la synthèse ou la dégradation des protéines, entre autres. Enfin, l’action des lncRNA sur les cyclines, les protéines régulatrices du cycle cellulaire, influencent la croissance, la différenciation ou encore la sénescence [5].

MicroARN et vieillissement : Les ARN non-codants, des cibles thérapeutiques contre les pathologies liées à l’âge

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Depuis que les connaissances sur les ARN non-codants ont évolué et que leurs rôles dans les processus de vieillissement ou la longévité sont connus, des méthodes pour les cibler et contrôler leurs fonctions ont été mises au point. Les microARN peuvent être ciblés par des petits ARN interférents (small interfering RNA) ou par des “éponges” à microARN qui les séquestrent et les empêchent de se lier à leurs ARNm cibles. Plus récemment, des antagomiRs (ou anti-miRs), ont aussi été développées pour se lier aux microARN [12]. De telles techniques sont surtout développées pour les cancers : inhiber des microARN qui sont oncogéniques permettrait d’éteindre certains signaux pro-cancer. De telles thérapies anti-cancers pourraient être couplées avec des thérapies classiques pour améliorer l’efficacité du traitement et les taux de guérison du cancer.

Les ARN non-codants, en particulier les microARN et les ARN non-codants longs tiennent un rôle majeur dans les altérations épigénétiques en lien avec le vieillissement. En associant leur profil d’expression avec différentes pathologies liées à l’âge, les ARN non-codants pourraient devenir des outils de diagnostic et de pronostic très largement utilisés à l’avenir. Ils pourraient aussi devenir des cibles thérapeutiques contre ces pathologies, puisqu’ils permettraient d’éteindre l’expression de gènes impliqués dans le vieillissement ou de stimuler des gènes pro-longévité.

Tout notre dossier sur l’épigénétique du vieillissement et la longévité :

 Les altérations épigénétiques comme causes du vieillissement

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Comprendre les altérations épigénétiques qui entraînent le vieillissement : récapitulatif des mécanismes impliqués.

Partie 2 : Épigénétique et ARNs non codants : le rôle des microARN et LncARN sur la longévité

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La totalité de l’ADN ne code pas forcément des protéines ; les ARN non-codants tels que les microARN jouent aussi un rôle dans le processus de vieillissement.

Partie 4 : Epigenome editing, une technologie anti-vieillissement et pro-longévité

Long-Long-Life-Epigenome-editing-longevity technology anti aging transhumanismAvec la naissance de l’épigénétique, une nouvelle technologie a vu le jour : l’epigenome editing, grâce à des avancées telles que l’outil CRISPR-Cas9.

Partie 1 : Les mécanismes moléculaires des altérations épigénétiques dans le vieillissement

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Qu’est-ce que l’épigénétique ? Comment les altérations moléculaires entraînant le vieillissement en arrivent-elles à se produire ?

Partie 3 : L’horloge épigénétique, puissant outil de mesure du vieillissement

Hack aging with the study of proteomics long long life transhumanism longevity anti aging nbic 3On peut utiliser l’épigénétique comme un outil de mesure du vieillissement, en cartographiant les modifications qui surviennent avec l’âge.

Références

[1] Veena S. Patil, Rui Zhou, and Tariq M. Rana. Gene regulation by noncoding RNAs. Crit Rev Biochem Mol Biol. 2014 ; 49(1): 16–32. doi:10.3109/10409238.2013.844092.

[2] C. Bret & J.F. Schved, Le contrôle de l’expression des gènes par les microARN, Implications au cours de l’hématopoïèse et des hémopathies malignes, Correspondances en Onco-hématologie – Vol. IV – n° 1 – janvier-février-mars 2009.

[3] Bertone P et al., Global identification of human transcribed sequences with genome tiling arrays. Science. 2004; 306(5705):2242-6.

[4]

[5] Ioannis Grammatikakis, Amaresh C. Panda, Kotb Abdelmohsen and Myriam Gorospe. Long noncoding RNAs (lncRNAs) and the molecular hallmarks of aging,  AGING, December 2014, Vol. 6 No.12, 992-1009.

[6] Devika Garg, Stephen M. Cohen. miRNAs and aging: A genetic perspective, Ageing Research Reviews 17 (2014) 3-8.

[7] https://lncipedia.org/

[8] B. Victoria et al. MicroRNAs and the metabolic hallmarks of aging. Molecular and Cellular Endocrinology 455 (2017) 131-147.

[9] Yuqing He, Yuanlin Ding, Biyu Liang, Juanjuan Lin, Taek-Kyun Kim, Haibing Yu, Hanwei Hang and Kai Wang, A Systematic Study of Dysregulated MicroRNA in Type 2 Diabetes Mellitus, Int. J. Mol. Sci. 2017, 18, 456; doi:10.3390/ijms18030456.

[10] Hanuma Kumar Karnati, Manas Kumar Panigrahi, Ravi Kumar Gutti, Nigel H. Greig and Ian A. Tamargo, miRNAs: Key Players in Neurodegenerative Disorders and Epilepsy, J Alzheimers Dis. 2015 ; 48(3): 563–580. doi:10.3233/JAD-150395.

[11] Elsa Bronze-da-Rocha, MicroRNAs Expression Profiles in Cardiovascular Diseases, BioMed Research International Volume 2014, Article ID 985408, 23 pages.

[12] Justin Williams, Flint Smith, Subodh Kumar, Murali Vijayan, P. Hemachandra Reddy. Are microRNAs true sensors of ageing and cellular senescence? Ageing Research Reviews 35 (2017) 350-363.

[13] Theresa A. Lusardi, Jay I. Phillips, Jack T. Wiedrick, Christina A. Harrington, Babett Lind, Jodi A. Lapidus, Joseph F. Quinn and Julie A. Saugstad, MicroRNAs in Human Cerebrospinal Fluid as Biomarkers for Alzheimer’s Disease, J Alzheimers Dis . 2017 ; 55(3): 1223–1233. doi:10.3233/JAD-160835.

[14] Margherita Grasso, Paola Piscopo, Annamaria Confaloni and Michela A. Denti, Circulating miRNAs as Biomarkers for  Neurodegenerative Disorders, Molecules 2014, 19, 6891-6910; doi:10.3390/molecules19056891.

Anne Fischer

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Anne is studying medicine science at the Institute of Pharmaceutical and Biological Science in Lyon and she has graduated with a Bachelor’s degree in molecular and cellular biology at the University of Strasbourg.

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Anne étudie les sciences du médicament à l’Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lyon. Elle est titulaire d’une licence en biologie moléculaire et cellulaire de l’Université de Strasbourg.

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Dr Guilhem Velvé Casquillas

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Physics PhD, CEO NBIC Valley, CEO Long Long Life, CEO Elvesys Microfluidic Innovation Center

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