Transhumanisme : comment tuer la mort ? Les transhumanistes, à la recherche du temps gagné

Billet d’opinion de Didier Coeurnelle

Depuis des décennies, des chercheurs, des philosophes et des citoyens de tous horizons souhaitent des recherches médicales ayant pour but de mettre fin au vieillissement.

Les transhumanistes sont parmi les plus avancés dans cette réflexion. Presque tous les membres de ce courant en Europe, aux Etats-Unis, en Russie et ailleurs sont d’actifs partisans d’une action intensive dans ce domaine.

Les priorités des transhumanistes en matière de longévité ont été et sont encore aujourd’hui variées. Elles vont du plus classique, la recherche de médicaments nouveaux et de modes de vie sains pour prolonger la durée de vie, aux plus vertigineux, comme la cryonie et le « téléchargement » de la conscience.

Cet article s’intéressera uniquement à une perspective « classique » de la longévité: ce que, dès 1951 Edgar Morin avait appelé « l’amortalité », la possibilité pour les femmes et les hommes qui le souhaitent de ne plus mourir de maladies liées au vieillissement, c’est-à-dire les maladies qui, dans le monde, sont responsables d’environ 70 % des décès (90 % dans les pays « riches »).

Le mouvement transhumaniste évolue avec son temps, et même avec un peu d’avance sur son temps. Hier, en ce qui concerne l’utilisation de produits pour la longévité, la priorité de beaucoup de transhumanistes concernait les antioxydants et les hormones, aujourd’hui, beaucoup de transhumanistes expérimentent en prenant de la metformine et envisagent dès que cela sera possible l’utilisation de médicaments sénolytiques (produits qui détruisent les cellules sénescentes).

Mais, pour la majorité, il est clair que les thérapies dont nous disposons à ce jour, même à l’état expérimental, ne sont pas suffisantes. Il faudra des progrès de rupture, probablement à moyen terme des thérapies géniques, à plus long terme des nanotechnologies et peut-être aussi dans des avancées dans domaines qui sont aussi inenvisageables pour nous, que les antibiotiques auraient été inenvisageables avant la connaissance des bactéries.

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Didier Coeurnelle, juriste de profession, est un activiste social transhumaniste. Il est co-président de Heales (Healthy Life Extension Society), association qui milite pour une vie en bonne santé plus longue, et vice-président de l’AFT Technoprog (l’Association Française  Transhumaniste – Technoprog). Il est notamment l’auteur de l’ouvrage « Et si on arrêtait de vieillir ? » et rédige régulièrement sa newsletter « La mort de la mort ».

Beaucoup de transhumanistes sont également des spécialistes de l’intelligence artificielle. Les développements des capacités de logique informatique sont souvent absolument fascinants, voire même angoissants. L’utilisation prioritaire de l’intelligence artificielle pour la recherche scientifique médicale est doublement positive :

  • elle permet des avancées potentielles de santé pour tous
  • en recherchant prioritairement tout ce qui rend l’humain plus résistant, plus résilient, elle est un facteur de réduction d’autres risques.

Transhumanisme : un projet Apollo de la longévité ?

De temps à autre, un concept ou un projet devient un but (presque) commun pour l’humanité. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, marcher sur la lune, les mesures efficaces pour éviter la destruction de la couche d’ozone sont trois exemples où l’impossible et l’inimaginable d’hier ont été accomplis à ce jour.

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Une prise de conscience globale de la communauté scientifique, des représentants politiques ou des médias pourrait être à l’origine d’un projet de recherche à l’échelon planétaire dont l’enjeu final serait l’avancée médicale susceptible de sauver le plus de vies dans l’histoire de l’humanité.

Aujourd’hui, aucune institution publique et peu d’organisations privées n’ont l’objectif explicite de diminuer l’impact du vieillissement ou de permettre de meilleurs mécanismes de réjuvénation.

Voici quelques éléments qui pourraient être déclencheurs d’une campagne médiatique :

  • La première souris (ou animal domestique) vivant bien plus longtemps que ses limites biologiques voire devenant « biologiquement immortelle« . Elle pourrait avoir un prénom, un site internet, des représentants dans la communauté des chercheurs…
  • Des personnalités de premier plan (artistiques, politiques, …) qui se mobiliseraient pour venir en aide à des personnes âgées en détresse, tout comme autrefois des artistes s’étaient mobilisé contre la faim dans le monde.
  • Une campagne de presse efficace à propos de la première cause de mortalité non accidentelle. Ce sont notamment des campagnes de presse parfois très interpellantes qui ont permis qu’en France et ailleurs, des mesures innombrables de sécurité routière soient prises depuis les années 70 (ceinture de sécurité, limitations de vitesse, interdiction de l’alcool au volant, aménagements de la route). Grâce à cela, la mortalité sur les routes a diminué de plus des deux tiers alors même que le nombre de kilomètres parcourus en voiture ne faisait qu’augmenter.

Chaque euro, chaque dollar, chaque yuan qui serait investi avec succès pour la longévité serait potentiellement utile à des centaines de millions d’européens, d’américains, de chinois. Un cadre juridique pourrait assurer que les avancées médicales soient considérées comme un « patrimoine immatériel commun de l’humanité ». Les chercheurs et les sociétés privées seraient bien sûr rémunérés et bénéficieraient de la reconnaissance collective, mais n’auraient pas d’intérêt direct à la vente des thérapies.

Une thérapie efficace découverte avec des moyens publics communs pourrait signifier notamment :

  • D’énormes économies de sécurité sociale car les coûts de soins de santé liés à l’âge seraient drastiquement diminués
  • Un prestige retrouvé pour les institutions publiques et les chercheurs concernés
  • Des découvertes scientifiques collatérales, principalement dans le domaine médical.

Transhumanisme : longévité et essais cliniques : des volontaires (très) âgés, sains, informés

« The proof is in the pudding » disent parfois les anglo-saxons. Nous ne pourrons savoir si une thérapie est efficace qu’en la testant sur des êtres humains, ce qui représente bien sûr certains risques.

Comme chaque jour environ 110.000 personnes dans le monde meurent de maladies liées au vieillissement, l’urgence de prendre certains risques devrait être d’autant plus évidente que ceux qui expérimenteraient seraient des volontaires.

Et pourtant, l’environnement juridique et médical actuel rend impossible l’expérimentation dans les pays les plus avancés médicalement. Alors que pour sauver des vies en cas d’épidémie, les autorités sanitaires peuvent imposer des mesures drastiques notamment d’interdiction de déplacement internationaux, pour sauver des vies du vieillissement, même des volontaires ne sont pas autorisés à risquer leur vie. Dans le domaine de l’expérimentation médicale, tout décès est perçu comme une catastrophe.

Pourtant, pour revenir aux grands projets passés, près d’un millier d’hommes et de femmes ont risqué leur vie (et certains sont décédés) lors de la conquête spatiale. Pourtant, chaque année, des dizaines de personnes meurent en prenant des risques – autorisés – dans la montagne suscitant parfois plus l’admiration que la réprobation.

L’expérimentation est encore plus compliquée avec des personnes âgées. Ceci s’explique parce que le risque de complication et de décès est plus élevé.

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Mais en fait le risque de décès est plus élevé pour les personnes âgées, même en l’absence d’expérimentation. Nous savons qu’avec les moyens d’aujourd’hui, quels que soient les thérapies mises en oeuvre, la grande majorité des femmes (et une majorité plus grande encore des hommes) décèdent avant 100 ans.

Pour essayer de franchir ce « plafond de verre », il serait envisageable d’expérimenter avec :

  • Des personnes âgées de 85 ans, voire 90 ou 95 ans
  • En bonne santé compte tenu de leur âge
  • Volontaires pour le gain de leur santé et de la collectivité
  • Bien informés des risques

L’expérimentation devrait être en double aveugle avec plusieurs groupes de personnes âgées. Chaque groupe bénéficierait (bien sûr) d’une surveillance médicale ainsi que de soins ordinaires. Selon les groupes, des thérapies supplémentaires seraient appliquées.

Plus l’âge des participants serait élevé :

– Plus des résultats pourraient être obtenus rapidement car les marqueurs biologiques du vieillissement évoluent de plus en plus rapidement avec l’avancée en âge

– Plus vite les avantages de l’expérimentation (années de vie gagnées) pourraient contrebalancer les risques (années de vie risquant d’être perdues)

 

Transhumanisme : un cadre légal et éthique international ou européen pour soutenir la quête de longévité

Même si le droit international n’est pas uniforme et est contesté par bien des autorités nationales, des instruments juridiques internationaux et des mécanismes de coopération ont permis et permettent de progresser avec un consensus croissant (cour internationale de justice, droits de l’homme, aides humanitaires, …).

Dans le domaine de la bioéthique, ce sont plutôt les principes de prudence vis-à-vis des progrès technologiques qui se sont imposés jusqu’ici, mais cela pourrait changer.

De plus, même en l’absence d’une évolution positive globale, l’Union européenne (où la France joue un rôle non négligeable) a les moyens d’imprimer sa marque. Elle l’a fait au niveau des dispositions relatives à la vie privée informatique imposant sa marque même aux plus puissantes sociétés du monde (par le fameux règlement général pour la protection des données). Elle pourrait le faire pour la protection générale de la santé de ses citoyens et de tous les citoyens du monde.

 

Didier Coeurnelle, 2018.

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