Biomarqueurs & métabolisme : mesurer les effets du jeûne sur le vieillissement

Afin de mesurer les effets de telle ou telle action sur l’organisme, nous avons besoin de nous fier à ce qu’on appelle des biomarqueurs, c’est à dire une caractéristique biologique mesurable. Ils peuvent être de nature très différente et permettent de mesurer l’action d’un traitement, ou le bon fonctionnement du métabolisme lors de jeûne, restriction calorique…

Biomarqueurs en lien avec le jeûne, l’analyse de la santé et bientôt du vieillissement ?

Il existe de nombreux biomarqueurs. Leur sélection dépend de ce que l’on veut observer et savoir. Trouver des biomarqueurs fiables est nécessaire pour améliorer les dépistages de maladies, ou tout autre problème, ou même pour vérifier qu’il n’y en ait pas.
Nous allons parler ici des biomarqueurs les plus efficaces ou utilisés aujourd’hui dans le cadre de la santé et liés à la nutrition ainsi qu’à l’activité physique [2]. Pour mesurer les effets d’une restriction calorique, d’un jeûne ou de toute autre action, nous avons besoin d’analyser des biomarqueurs !

Le métabolisme basal, qui correspond à la dépense énergétique minimale de l’organisme, peut-être calculé en amont d’un changement de régime alimentaire. Ceci permet d’avoir une idée de ses besoins et des changements à apporter dans l’alimentation en fonction de son activité physique. Des calculateurs en ligne existent, comme pour l’indice de masse corporelle (IMC), mais évidemment le calculer grâce à davantage de biomarqueurs sera bien plus précis.

Le biomarqueur le plus utilisé dans le cadre de la nutrition est le taux de glucose sanguin. On le teste plusieurs fois par jour chez certains stades diabétiques. Cela permet de réguler son ingestion de sucres, pour éviter des hypoglycémies subites ou gérer les injections d’insuline.

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Un autre biomarqueur intéressant dans le contexte du métabolisme de l’énergie est le quotient respiratoire (QR).
Lors de la transformation des aliments en énergie consommable, des réactions chimiques entraînent des variations dans la consommation en dioxygène (O2) et la production de CO2.
Ce QR est calculé en fonction de la VO2 et VCO2, produit du volume de dioxyde de carbone relâché et du dioxygène consommé. Le résultat (entre 0,7 et 1) nous informe sur la consommation du patient. Si son QR est proche de 0,7, la consommation de lipides est en excès.
Inversement, un QR proche de 1 signifie un excès de glucose.

Ce biomarqueur peut être intéressant dans le cadre des jeûnes afin de déterminer quels nutriments sont consommés en fonction des repas et de l’heure de test.

HOMA-IR (Homeostatic Model Assessment for Insulin Resistance) permet d’appréhender la résistance à l’insuline.

Niveaux de NAD : Le NAD est une molécule (Nicotinamide Adenine Dinucleotide) qui joue un rôle extrêmement important dans la régulation de nombreuses fonctions biologiques. Elle est impliquée dans plus de 500 réactions enzymatiques [1] !
La molécule de NAD se trouve sous deux formes : le NAD+ qui en est la forme oxydée, et le NADH, la forme réduite de la molécule qui porte l’hydrogène (H).
Évaluer les niveaux de NAD peut donc être un bon indicateur d’un dysfonctionnement potentiel.

L’analyse des hormones est également un bon indicateur. C’est une analyse des hormones présentes dans des échantillons d’urines sèches. La méthode DUTCH permet d’analyser les hormones, mais aussi les métabolites. Les métabolites sont des produits du métabolisme qui nous renseignent sur son fonctionnement.

Les tests de micronutriments (micronutrient testing) permettent d’analyser le sang du patient pour y trouver des vitamines, des minéraux, phénols, acides aminés, acides gras, etc…
Nous savons que nombreuses sont les carences en vitamine D dans la population, or la vitamine D joue un rôle important dans le système immunitaire.
Le métabolisme du fer peut également être observé grâce à cela, en particulier chez les femmes qui sont susceptibles d’avoir des carences en fer.

En général, on teste le taux d’albumine, la protéine la plus présente dans le sang,  pour savoir si l’on est en carence. Ce test est réalisé par dosage sanguin.

Métabolisme de l’énergie, une source de dommages qui entraîne le vieillissement mais qui peut être influencée par le jeûne

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Stockage et utilisation du glucose

Les glucides, ou carbohydrates, sont dégradés en molécules de glucose consommable (G6P).  Ce glucose consommable et très facilement assimilable par les cellules.
En cas d’excès de glucose, il est transformé en glycogène en assemblant plusieurs molécules de glucose. C’est ce que l’on appelle un polymère du glucose. Ce glycogène est stocké massivement dans le foie, mais aussi dans les muscles squelettiques.
Lorsque le taux de glucose sanguin diminue, la production d’insuline du pancréas induit la dégradation de ce glycogène en molécules de glucose consommables.

Stockage  et utilisation des lipides (acides gras)

Les lipides sont stockés dans des cellules spécialisées : les adipocytes. Ces cellules reçoivent ou produisent majoritairement des triglycérides. Ces triglycérides s’accumulent en cas de surconsommation de nourriture ou de pathologies et entraînent les phénomènes d’hypertrophie et/ou d’hyperplasie, respectivement l’augmentation du volume de la cellule, et la multiplication de ces cellules.

Le système digestif joue évidemment un rôle majeur dans l’assimilation de nutriments. Son action, incluant l’action de tous les microorganismes en présence (le microbiote), va influer sur le taux d’absorption, la qualité nutritive, la transformation des aliments. La “qualité” du microbiote est un facteur clé de la nutrition. La consommation de fibres (trop faible dans nos sociétés), la qualité et la variété des aliments sont autant de facteurs maximisant la diversité des espèces en présence dans nos intestins. De plus, une grande diversité du microbiote est corrélée à un temps de vie en bonne santé supérieur. Les populations centenaires ont dans la majeure partie des cas étudiés une diversité microbiotique bien supérieure à la population moyenne [3].

Quelques hormones clés en lien avec la nutrition, le jeûne et la restriction calorique :

Les hormones sont des « messagers » chimiques qui vont induire des réponses de la part des tissus ciblés. Cela va de l’appétit à la libido en passant par le sommeil.
Nous traitons ici quelques hormones clés en lien avec la nourriture, le stockage et l’utilisation des nutriments. Ces hormones vont être influencées par des actions comme la restriction calorique ou le jeûne et influencer notre corps en retour. C’est une partie de l’explication !

La leptine est parfois appelée “l’hormone de la satiété”. Elle est sécrétée par les adipocytes blancs. Lorsqu’un trop grand nombre d’adipocytes sont présents (obésité), la sécrétion massive de l’hormone va entraîner une résistance à cette dernière et donc réduire son effet “coupe-faim”, ou anorexigène. La lipodystrophie correspond à un manque ou une absence de la synthèse de leptine.

En opposition à la leptine, la ghréline est connue comme “hormone de la faim”. Elle joue aussi un rôle majeur dans le contrôle de la balance énergétique. Le récepteur de ces deux hormones de la faim sont situées sur les mêmes cellules cérébrales.
Cette hormone se fait ressentir dans le cadre du jeûne et il faut apprendre à l’ignorer quelques fois par jour. 

Le cortisol a plusieurs rôles majeurs. Cette hormone peut induire une augmentation de la glycémie par le biais de la synthèse de glucose. Elle permet donc de recruter de l’énergie dans le stock corporel. Le cortisol a un rôle dans la régulation du cycle circadien (en association avec la mélatonine.).

L’insuline est produite par des cellules du pancréas, les β-cells. Sa production est dépendante du taux de glucose sanguin ainsi que de l’ingestion d’aliments.
La résistance à l’insuline va induire une surproduction d’insuline, c’est l’hyperinsulinémie.
L’insuline régule l’assimilation du glucose par les cellules et son utilisation ou stockage. La résistance va mener en particulier au diabète de type 2 [4]. Le jeûne ou la restriction calorique, mais aussi la réduction drastique des carbohydrates (sucres) peuvent permettre de diminuer la résistance.

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Lorsque le taux de glucose sanguin est trop bas, le pancréas va produire du glucagon qui va stimuler la dégradation du glycogène en glucose et permettre au taux de glucose de remonter.

De nombreux facteurs peuvent contribuer à induire une résistance à l’insuline (RI). Elle est très corrélée au surpoids ou à l’obésité mais ce n’est pas une condition nécessaire. Les dysfonctions mitochondriales vont induire une accumulation de lipides, menant à la RI.

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Les diètes très caloriques, riches en sucres, la consommation de stéroïdes à long-terme ainsi que le manque d’activité physique sont autant de facteurs qui peuvent induire sur des années une résistance à l’insuline. Il existe aussi des paramètres génétiques qui vont en influencer le développement.

La résistance à l’insuline dans le cas du diabète de type 2 provient de différents paramètres génétiques, mais surtout du mode de vie de la personne (activité physique et nutrition).

Un modèle de nutrition obésogène a été produit pour les rats afin d’étudier l’obésité [5]. En regardant l’apport journalier moyen des américains, on se rend compte que les proportions de graisses et de carbohydrates sont très proches. 

On comprend pourquoi une épidémie d’obésité a lieu aux Etats-Unis et d’autres pays suivant ce modèle alimentaire. L’obésité touche presque 30% de la population américaine, et risque d’entraîner la dégradation du niveau de vie en bonne santé et la longévité des personnes concernées [6;7].

Pour conclure,

Nos corps sont en moyenne assez efficaces pour stocker l’énergie. Ceci a eu de grands avantages pour notre espèce, permettant à ses individus de survivre à des périodes de famine ou des périodes de long jeûne forcé, puis de stocker l’excès de nourriture lorsqu’elle est abondante.

Malheureusement, ces voies de stockage deviennent un problème dans nos sociétés de surabondance alimentaire. Ce développement peut entraîner de graves problèmes de santé, car conserver une alimentation saine devient un challenge toujours plus difficile tant nos cerveaux sont conditionnés par le gras et les sucres.
Gérer ces problèmes nécessite l’usage de biomarqueurs afin d’en cibler précisément les causes et de tester les actions menées.

Il est possible d’optimiser son mode de vie afin de réduire, au moins un peu, les effets du vieillissement en “optimisant” son métabolisme. Dans cette optimisation, on compte la qualité nutritive, la méthode d’alimentation, mais aussi la pratique d’une activité physique régulière: facteur clé du vieillissement en bonne santé.  
Le doublement de la durée de vie de certaines espèces qui a pu être obtenu avec certaines méthodes de jeûne ou de restriction calorique ne s’applique cependant pas à toutes les espèces.

Si l’on veut drastiquement réduire le vieillissement, il faut chercher ailleurs. Nous explorerons quelques pistes dans la prochaine partie du dossier.

Louis Kokkinis

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Louis is responsible for the vulgarization of articles and scientific watch for Long Long Life.
He is currently studying biology remotely at Aix-Marseille University. He also works on multiple biotechnology and engineering projects.

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Louis est responsable de la rédaction d’articles de vulgarisation et de veille scientifique pour Long Long Life. Il étudie la biologie à distance à l’université d’Aix Marseille. Il est également porteur de plusieurs projets de biotechnologies et ingénierie.

En savoir plus sur l’équipe de Long Long Life

Références:

[1] Rajman, L., Chwalek, K., & Sinclair, D. A. (2018). Therapeutic Potential of NAD-Boosting Molecules: The In Vivo Evidence. Cell Metabolism, 27(3), 529–547.

[2] Université Numérique Francophone des Sciences de la Santé et du Sport” (2011),. UMVF – Université Médicale Virtuelle Francophone.

[3] Feilong Deng , Ying Li , Jiangchao Zhao. (2019). The gut microbiome of healthy long-living people. Life extension advocacy foundation.

[4] https://www.diabetes.co.uk/insulin-resistance.html

[5] Buettner, R., Schölmerich, J., & Bollheimer, L. C. (2007). High-fat Diets: Modeling the Metabolic Disorders of Human Obesity in Rodents*. Obesity, 15(4), 798–808.

[6] Reilly, J. J. (2003). Health consequences of obesity. Archives of Disease in Childhood, 88(9), 748–752.

[7] Guh, D. P., Zhang, W., Bansback, N., Amarsi, Z., Birmingham, C. L., & Anis, A. H. (2009). The incidence of co-morbidities related to obesity and overweight: A systematic review and meta-analysis. BMC Public Health, 9(1).

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