La longévité est-elle liée à une variabilité du nombre de copies d’un gène ?

Le vieillissement est associé à des bouleversements cellulaires et chromosomiques. Ces derniers se font par de multiples mécanismes, dont les duplications et les délétions d’un segment chromosomique, impliquant ou non un gène ou une partie de gène. Le terme général qualifiant ce processus est la variabilité du nombre de copies d’un gène (CNV en anglais pour “copy number variation”). Il s’agit d’un polymorphisme très courant qui augmente avec l’âge. Les variations du nombre de copies d’un gène peuvent changer la structure du gène, affectant son expression et le phénotype d’un individu [1]. Ce phénomène est impliqué dans le développement de pathologies comme les troubles du spectre de l’autisme [2], la maladie de Huntington [3] et le diabète, ou encore, participe à l’instabilité génomique retrouvée dans les cellules cancéreuses [1].

Etudier la variabilité du nombre de copies d’un gène

Pour étudier les variations du nombre de copies d’un gène au sein d’une population, il faut faire une étude pangénomique (ou GWAS pour “genome-wide association study”). Elle consiste en l’analyse de génomes entiers d’une grande population pour recenser toutes les variations génomiques et les corréler avec les traits phénotypiques observés. Par le biais d’analyses pangénomiques, les scientifiques ont récemment associées les CNV au vieillissement [4], à la durée de vie [5] et à la mortalité liée à l’âge [6] et ont ainsi souligné l’existence d’une association entre les CNV et la longévité.

LongLongLife karyotype variabilité gène longévité

La dernière étude pangénomique en date explorant l’association entre les CNV et la longévité [1] s’est faite sur une cohorte chinoise de 4007 personnes appartenant à l’ethnie Han. Cette cohorte était divisée en deux groupes : des individus âgés de 90 à 117 ans et des individus plus jeunes de 30 et 65 ans. L’étude a permis de distinguer 11 CNV fortement associés à la longévité. Parmis eux, 4 recouvraient partiellement des CNV retrouvés dans des populations longévives danoises et états-uniennes, tandis que les 7 autres n’avaient jamais été rapportés [1]. De plus, dans les régions génomiques mise en évidence et présentant un CNV, l’étude a retrouvé des gènes influençant le raccourcissement des télomères et le risque de cancer, entre autres [1]. Enfin, une diminution du nombre de copies de gènes pro-cancer et de voies de signalisation intervenant dans le vieillissement a été observé chez des personnes âgées et en bonne santé. Ces résultats ont montré que le nombre de CNV, principalement des délétions de segments génomiques, augmentaient significativement avec l’âge et étaient en corrélation directe avec la longévité [1].

Variabilité du nombre de copies d’un gène et longévité

Cette étude a donc permis d’identifier des régions de CNV associées à la longévité, ainsi que les gènes et les voies touchés. A noter qu’il s’agit d’une étude pangénomique effectuée sur une ethnie chinoise, on ne peut donc pas attribuer ces résultats à une population d’origine différente, pour des raisons évidentes de différences génétiques entre les ethnies. Néanmoins, il est possible de comparer les données d’études pangénomiques distinctes de populations différentes. Enfin, ces résultats rejoignent les conclusions des autres études sur l’existence d’une corrélation entre la longévité et les variations du nombre de copies de certains gènes. La longévité est un trait complexe dont la composante génétique occupe une place importante [2]. Cette étude suggère que les CNV sont des contributeurs notables de la composante génétique de la longévité humaine [7] et pointe l’intérêt d’approfondir les connaissances sur les CNV liés à l’âge dans la lutte pour la longévité et contre le vieillissement.

Références :

[1] Zhao et al. The correlation of copy number variations with longevity in a genome‐wide association study of Han Chinese, AGING 2018, Vol. 10.

[2] E. Shishido et al. Psychiatry and Clinical Neurosciences 2014; 68: 85–95

[3] Angelica Vittori, Carlo Breda, Mariaelena Repici, Michael Orth, Raymund A.C. Roos, Tiago F. Outeiro, Flaviano Giorgini, Edward J. Hollox and the REGISTRY investigators of the European Huntington’s Disease Network, Copy-number variation of the neuronal glucose transporter gene SLC2A3 and age of onset in Huntington’s disease. Human Molecular Genetics, 2014, Vol. 23, No. 12 3129–3137 doi:10.1093/hmg/ddu022

[4] Leonid Iakoubov, Malgorzata Mossakowska, Malgorzata Szwed,  Monika Puzianowska-Kuznicka, A Common Copy Number Variation Polymorphism in the CNTNAP2 Gene: Sexual Dimorphism in Association with Healthy Aging and Disease. Gerontology 2015;61:24–31 DOI: 10.1159/000363320

[5] Maris Kuningas, Karol Estrada, Yi-Hsiang Hsu, Kannabiran Nandakumar, Andre´ G. Uitterlinden, Kathryn L. Lunetta, Cornelia M. van Duijn, David Karasik, Albert Hofman, Joanne Murabito, Fernando Rivadeneira, Douglas P. Kiel and Henning Tiemeier. Large common deletions associate with mortality at old age. Human Molecular Genetics, 2011, Vol. 20, No. 21 4290–4296 doi:10.1093/hmg/ddr340

[6] Glessner JT, Smith AV, Panossian S, Kim CE, Takahashi N, et al. (2013) Copy Number Variations in Alternative Splicing Gene Networks Impact Lifespan. PLoS ONE 8(1): e53846. doi:10.1371/journal.pone.0053846

[7] Marianne Nygaard, Birgit Debrabant, Qihua Tan, Joris Deelen, Karen Andersen-Ranberg, Anton J.M. de Craen, Marian Beekman, Bernard Jeune, Pieternella E. Slagboom, Kaare Christensen and Lene Christiansen, Copy number variation associates with mortality in long-lived individuals: a genome-wide assessment, Aging Cell (2016) 15, pp49–55.

Anne Fischer

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Anne is studying medicine science at the Institute of Pharmaceutical and Biological Science in Lyon and she has graduated with a Bachelor’s degree in molecular and cellular biology at the University of Strasbourg.

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Anne étudie les sciences du médicament à l’Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lyon. Elle est titulaire d’une licence en biologie moléculaire et cellulaire de l’Université de Strasbourg.

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